"Il faut cultiver notre jardin"

lundi 19 novembre 2012

Un visonnaire, ce Jules !

Une lecture effectuée dans le cadre du travail ne rime pas forcément avec horreur, malheur et désespoir !
Après avoir plongé Vingt Mille lieues sous les mers, essayé d'atterrir sur la lune ou de traverser des contrées à bord d'un éléphant mécanique, me voici prête à découvrir le Paris du XXè siècle de Jules Verne. Pour un premier roman, on peut dire que c'est impressionnant ! L'écriture est agréable, on trouve déjà les longues listes et énumérations illustrant la volonté didactique de Jules Verne mais rien de pesant. Ce qui est extraordinaire, c'est le pouvoir de projection qu'avait cet auteur prolifique ! Il nous décrit, bien avant l'heure, le développement de notre Capitale : évocation du métro, mainmise de la banque et des affaires sur la société (ça ne vous rappelle rien ?), mépris total des dirigeants pour les hommes de lettres et l'héritage classique, individus broyés par une société qui ne tolère pas la différence dans la façon de penser .....
Cette projection dans le Paris du XXè siècle nous emmène dans un univers de contre-utopie qui doit nous inciter à réfléchir car il ressemble beaucoup à notre monde......
Bref, chapeau bas, Jules Verne !

mercredi 7 novembre 2012

La Fabrique des Illusions de Jonathan Dee

Un puzzle bien orchestré qui nous permet de suivre les deux personnages principaux de ce roman.
Molly vit dans une ville terne et médiocre des USA dans les années 70-80. Ses parents s'engueulent à la maison mais présentent, en société, le visage d'un couple parfait. Très jolie, Molly n'a pas du tout envie de faire de la pub comme le voudrait sa mère. Très observatrice sur le monde qui l'entoure, elle a décidé qu'elle déciderait toujours de ce qu'elle ferait et, vit en retrait du monde tout en y étant, souvent en posture d'observatrice. Elle sera amenée à quitter sa ville d'origine. John est publicitaire dans les années 80-90. Il vit à New-York où il a une bonne place, s'apprête à épouser sa petite amie. De formation Histoire Des Arts, il est repéré par un gourou de la pub et un mécène, Hosbourne. Cette rencontre va changer sa vie : elle lui donne la possibilité de retourner vers le monde de l'art et une forme de créativité mais aussi de revenir dans sa région d'origine.
Et ces deux destins parallèles, ces deux personnages qui n'ont a priori rien en commun vont se trouver, se retrouver pour mieux se perdre...... 
Un texte qui se lit vite car on a très envie de savoir ce qui va se passer; on suit sans difficulté la vie de l'un puis de l'autre, passant d'une époque à une autre sans jamais se perdre. Et voilà ce qui est fort dans l'écriture de Dee : il nous fait traverser les époques, sans que cela ne paraisse artificiel. Ce roman parle du monde de l'art à travers le mécénat et propose une réflexion sur l'attaque visuelle permanente, sur l'envie des as du marketing et de la pub de toujours vouloir capter le regard. 
Lecture agréable, distrayante.

jeudi 1 novembre 2012

Un beau choeur de femmes

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka est de ces romans puissants qui vous emportent très loin. 
Celles qui racontent, qui se racontent forment un choeur à l'image du choeur antique). Ces voix multiples parlent pour un groupe, pour un collectif de femmes japonaises qui ont, en 1919, quitté le Japon pour les USA. Elles allaient s'y marier. Toutes différentes (certaines ont un secret, d'autres sont attirées par le rêve américain, d'autres encore poussées par leurs parents qui veulent le mieux pour elles), elles ont reçu de leurs futurs maris des photos. Ils sont tous très beaux ! Ils connaissent tous des réussites fabuleuses ! On suit donc leur départ, leur traversée, leur arrivée. Ces hommes ont le respect de leurs employeurs mais tout n'est pas aussi beau que prévu.
C'est un récit de voyage, le récit de trajectoires, de (non) intégration, de rêves brisés, de rêves écornés....... Ce roman est beau du fait de cette écriture chorale puisque jamais une femme ne l'emporte sur l'autre, c'est vraiment l'histoire d'une collectivité; l'écriture est délicate et ciselée, jamais mièvre, probablement à l'image de ces femmes japonaises qui feront contre mauvaise fortune bon coeur. C'est aussi une manière fine et toute en retenue d'aborder une page de l'histoire du Japon peu connue, d'évoquer cette "déportation" de jeunes femmes japonaises qui vont se trouver confrontées au racisme, au manichéisme et à la tentation toujours très forte des peuples qui se sentent en danger d'ériger ceux qu'ils ne connaissent pas assez en boucs émissaires.
A ne pas rater !