"Il faut cultiver notre jardin"

vendredi 28 juin 2013

Comme des dominos

Valérie Saubade nous propose, dans Un bref moment d'égarement, de croiser divers personnages qui n'ont a priori rien à voir si ce n'est une sorte de réaction en chaîne. 
Charles Alexander est un chirurgien réputé, respecté et admiré. Réussite professionnelle, mais aussi personnelle puisqu'il a épousé la charmante Camille. La bulle bleue du bloc opératoire, la quiétude de son foyer vont se fissurer un lundi matin lorsque Camille lui annonce son désir d'enfant. Et voilà que, perturbé, il commet une erreur médicale ! Bien décidé à ne pas se laisser fragiliser par l'incident, il rejette la faute sur une infirmière qu'il fait virer. L'histoire pourrait s'arrêter là mais c'est sans compter sur le hasard. L'auteur nous entraîne alors, au gré de courts chapitres, dans les méandres de la vie et nous propose de suivre des destins qui basculent et qui se croisent dans les rue de Reading. Un trentenaire énurésique et tyrannisé par sa mère, un ancien athlète devenu laveur de carreaux, une ex-graphiste devenue mère au foyer, une bibliothécaire, une bénévole à l'hôpital... jusqu'à ce que la boucle soit bouclée et que l'on retrouve notre chirurgien en mauvaise posture et dans des mains pas si bonnes que ça !
C'est bien mené, enlevé et souvent drôle. L'auteur campe une belle galerie de portraits, égratigne certains de nos travers, sans oublier de porter un regard attendri sur certains personnages (mention spéciale à l'universitaire retraité et grand amateur de jazz).
@ lire cet été !

dimanche 23 juin 2013

Déportation sur le sol américain

Pour son premier roman, Julie Otsuka a choisi d'aborder un sujet peu connu : les camps de concentration aménagés en catimini sur le sol américain pour y parquer les citoyens d'origine japonaise (des ennemis de l'intérieur !). Et c'est avec brio qu'elle s'empare de ce moment peu glorieux de l'histoire. S'il s'agit d'une fiction, on n'y retrouve pas moins des échos à la vie de ses grands-parents qui furent arrêtés et déportés au lendemain de Pearl Harbor jusqu'à l'été 45.
Quand l'empereur était un dieu comporte 5 parties comme 5 actes  d'une tragédie à laquelle nous assistons impuissants. 
En 1942, après avoir lu un ordre d'évacuation, une femme, sa fille et son fils préparent leur départ. On ne connaît pas leur nom, on sait seulement que chacun met dans sa valise ce qu'il est capable de porter et qu'il n'y a pas de place pour le chien.  Et l'on comprend, sans le lire, qu'ils partent pour un camp. Le père et mari a été embarqué de force - et en pantoufles- une nuit sous le prétexte fallacieux qu'il s'agit d'un traître.
On suit d'abord les préparatifs du départ (ranger la maison, mettre à l'abri certains objets, se débarrasser des animaux..) puis le périple en train, l'arrivée et la vie dans le camp dans le désert de l'Utah et, enfin, le retour à la maison et les retrouvailles avec un homme transformé par sa détention.
Le récit de la vie du camp n'est pas si pénible que cela car le point de vue des enfants permet une certaine distanciation et, même, oserais-je dire, une certaine poésie. C'est finalement le retour qui est le plus dur car il ne fait pas bon avoir les yeux bridés quand les Japonais ont été déclarés ennemis du peuple américain. Indésirables à l'école, dans la rue, dans le quartier - même aux yeux des anciens voisins- la mère et les enfants doivent réapprendre à vivre. Le père, lui, se cantonne à l'intérieur, trop abîmé pour affronter l'extérieur. 
Un style nu, presque glacé, où ne perce aucun sentiment : on assiste, on partage le destin brisé de cette famille. On est aussi impuissant qu'eux face aux manifestations de racisme et de haine ordinaire.
Même si l'on ne pénètre guère dans leur intériorité, les personnages sont attachants, surtout celui du petit garçon qui conserve une certaine fraîcheur et, en même temps, une belle lucidité face aux événements.
Un beau livre !

"Chaque semaine, ils entendaient circuler de nouvelles rumeurs.
On allait mettre les hommes et les femmes dans des camps séparés. On allait les stériliser. On allait leur retirer leur citoyenneté américaine. On allait les emmener en haute mer pour les exécuter. On allait les envoyer sur une île déserte et les y abandonner. On allait tous les déporter au Japon. On ne les autoriserait jamais à quitter l'Amérique. On allait les garder en otages tant que tous les prisonniers de guerre américains jusqu'au dernier ne seraient pas rentrés sains et saufs au pays. On allait les confier à la garde des Chinois dès que la guerre serait terminée.
« On vous a amenés ici pour votre propre protection » leur avait-on assuré.
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme."

vendredi 21 juin 2013

Expo Miro à Landerneau

Surtout, arrêtez-vous à l'expo Miro qui se tient cet été à Landerneau (et jusqu'au mois de novembre au Fonds Hélène Edouard Leclerc).
http://www.fonds-culturel-leclerc.fr/
L'endroit est superbe, la scénographie très réussie et les oeuvres nombreuses et variées. On y voit des toiles, des sculptures, des objets poétiques. C'est gai, lumineux, bariolé.
Laissez-vous enchanter par l'univers merveilleux et mystérieux de cet artiste qui nous régale d'un beau feu d'artifice coloré et inventif.









jeudi 20 juin 2013

D'une traite !

J'aime les livres que l'on a du mal à lâcher, les livres qui nous emportent, les livres que l'on veut partager. La séquence exacte des gestes de Fabio Geda est de ceux-là.
Marta a douze ans et sa vie n'est pas tout à fait celle d'une petite fille car elle doit trop souvent s'occuper de ses frères et de sa soeur. Sa mère est alcoolique, son père s'échappe de la morosité du quotidien dans une relation adultère avec la voisine.... 
Marta est une petite fille sensible, qui s'épanouit dans la nature et soigne son cercle de semis. Elle aime être tranquille, loin des bruits de la ville et proche des montagnes.
Corrado est un jeune rebelle de seize qui n'a qu'une obsession dans la vie (à part son goût pour faire tourner en bourrique les animateurs du foyer) : organiser une fête pour la sortie de prison de sa mère. Et il est prêt à tout pour cela ! Même risquer gros et tomber dans la délinquance.
Les éducateurs, Ascanio et Elisa accompagnent, comme ils le peuvent ces ados perdus. Ils sont leurs interlocuteurs, des guides et tentent, au foyer, de reconstituer une sorte de cocon familial où chacun trouve sa place. Ce qui n'est pas une tâche aisée..... et souvent les doutes, les déceptions les assaillent. 
Marta et Corrado, ces deux êtres chahutés par la vie, vont se rencontrer dans un foyer de Turin. Inutile de préciser que ce n'est pas d'emblée l'entente cordiale. Jusqu'au jour où Marta décide de partir rejoindre son père dont les cartes postales ne lui suffisent plus.
C'est un très beau roman, réaliste, sensible et sans mièvrerie. Les personnages sont attachants car ils ont des qualités et des failles. On aime la sensibilité de Marta, la timidité d'Ascanio face à Elisa enfermée dans une carapace comme dans une armure. On trouve Corrado touchant malgré sa violence - car elle cache des sentiments qu'il ne veut pas s'avouer... 
On partage donc une tranche de vie avec eux, on les suit dans leurs tentatives de s'accommoder avec la vie, de la rendre meilleure ou plus supportable. En effet, chacun, dans ce récit à plusieurs voix, prend tour à tour la parole, comme un relais.
Un roman où les enfants doivent faire avec des adultes qui ont "perdu le mode d'emploi" pour vivre en harmonie et sans violence (car c'est violent pour des enfants quand les parents sont absents) . Et c'est Corrado qui, "indécis sur la séquence exacte des gestes, comme s'il avait perdu le mode d'emploi (....) réussit à comprimer l'espace qui les sépare" et entraîne Marta sur une nouvelle route pleine de promesses.

mercredi 19 juin 2013

Qui veut tuer le bac ?

Quelle salve d'attaques contre l'institution du bac !
Hormis les sujets hyper faciles, les pseudos études sur le coût de cette épreuve terminale, le fait que les enseignants sont payés à ne rien faire (sic !) au mois de juin, voici les nouvelles consignes de correction des oraux de français en 1ère (EAF) .....
http://bit.ly/16JUunS
Mais de qui se moque-t-on ? des élèves et des profs !

Tous les chemins mènent à Rome

Si, si ! la preuve :
http://www.laboiteverte.fr/carte-romaine-de-toutes-les-routes-menants-a-rome/



Ca ne manque pas de relief !

Quel coup de crayon !




http://www.laboiteverte.fr/des-dessins-au-crayon-en-relief/

lundi 17 juin 2013

Une idée ?

Donner une nouvelle vie aux livres....
http://www.laboiteverte.fr/des-peintures-sur-des-livres-etales/

dimanche 16 juin 2013

La dernière livraison de Rambaud

Tombeau de Nicolas 1er et avènement de François IV est le dernier volume des Chroniques de P. Rambaud.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy n'en finit pas de faire écrire Rambaud et l'on sent que notre Saint-Simon des temps modernes n'en peut plus de couvrir cette présidence. Il revient, notamment, sur la campagne électorale, les affaires et leur utilisation à des fins politiques.
L'oeil est toujours acéré, les traits piquants - certains portraits sont hilarants et justes - l'écriture alerte : on sourit ..... et on frémit aussi à la lecture de certaines pages. La république ne sort, en effet, pas grandie en effet de certains pratiques - gauche et droite confondues.
Un ouvrage qui nous permet de plonger dans la vie politique française de l'intérieur et ce n'est pas toujours très beau !
A garder à l'esprit pour ceux qui veulent rester vigilants face à une classe politique tombée bien bas.

lundi 10 juin 2013

Un tour au Japon

Après Murakami, je me lance dans un ouvrage de Yôko Ogawa (sur laquelle j'ai lu un article dans Télérama), Parfum de Glace.
Ryoko apprend un jour le suicide de son compagnon, Hiroyuki. Décidée à découvrir la raison de ce geste, elle se lance dans une enquête qui va l'emmener jusqu'à Prague. Accompagnée d'un guide qui la suit comme une ombre, elle marche dans les pas de celui qu'elle a aimé.
Et elle découvre un autre homme ! Créateur de parfum, jongleur de senteurs exceptionnelles, Hiroyuki était aussi Rooky, petit génie des mathématiques qui écuma, dès son enfance, les concours internationaux, résolvant les problèmes les plus complexes ! Les repères qui étaient jusqu'alors les siens se fissurent. Elle a partagé la vie d'un nez talentueux, dont la mémoire olfactive était incroyable et l'obsession du rangement parfois extrême. Et voilà qu'elle apprend qu'il fut un génie des maths, un brillant patineur. Son frère cadet, Akira, lui ouvre les portes de ce pan de la vie de Rooky.
La narration alterne entre le trajet de Ryoko à Prague et sa visite dans la maison familiale de son ami. A Prague, elle se lance sur la piste des quelques phrases énigmatiques qu'elle a trouvées sur une disquette et qui s'éclaireront au fil de son périple qui passe, notamment, par une grotte où vit le gardien des paons - métaphore de la mémoire. Elle fait connaissance avec la mère de Rooky, écoute Akira lui parler de son frère - ils se livreront même tous les trois à une fameuse séance de nettoyage des nombreux trophées du génie ..... auxquels sa mère a dédié la chambre d'amis !
De cet aller-retour naît une hésitation constante entre rêve et réalité : qui est le vrai Rooky ? la réalité n'est-elle qu'une illusion ? et connaissons-nous vraiment ceux que nous aimons ? Une seule preuve tangible de l'existence d'Hiroyuki : le délicat flacon de parfum au bouchon ciselé en forme de plume de paon contenant le parfum créé pour elle "Source de mémoire" .... qu'elle reconnaît dans la grotte aux paons. Comme si ceux-ci gardaient non seulement la trace d'Hiroyuki mais aussi les odeurs que l'on associe aux moments indélébiles de son existence.
Est-ce à dire que le travail de deuil passe par un voyage dans la Mémoire, dans sa mémoire et celle de l'autre pour mieux le retenir et s'en souvenir ?
Ce livre est un pur enchantement.


vendredi 7 juin 2013

Noces de neige : à lire !

Après Les heures silencieuses et Nos vies désaccordées, Gaëlle Josse publie Noces de neige, et elle fait bien !!
Un chassé croisé entre deux époques : 1881 et 2012.
Deux femmes que rien ne relie a priori : Irina qui cherche l'âme soeur et une vie meilleure via le net et Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe qui ne se sent bien qu'en compagnie des chevaux et décrit son milieu sans fard et avec un bel esprit critique.
Un point commun : le long voyage en train, en sens inverse pour les deux jeunes filles, de la côte d'Azur à Saint Pétersbourg. Pour l'une le retour, pour l'autre le départ.
Un autre point commun : elles veulent être aimées. 
L'une est belle, l'autre laide; l'une est pauvre, l'autre riche.
D'un chapitre à l'autre, on suit le parcours de chacune des jeunes filles.
Et l'on s'étourdit dans les bals avec Anne, on rêve, comme elle, de grandes étendues autour de leur datcha, et l'on boit du thé du samovar, on entend parler russe. On dort dans des wagons de première classe et l'on partage ses pensées tendues vers Dimitri dont elle ne cesse de rouler dans son esprit le seul compliment qu'on lui ai jamais fait : "comme vous êtes radieuse, Anna Alexandrovna, tellement radieuse !"
Le voyage avec Irina est moins luxueux et plein d'incertitudes : Enzo va-t-il l'aimer ? fait-elle le bon choix en quittant son pays natal ? Sa rencontre avec Sergueï l'aidera-t-elle à accepter ce départ ?
Ces deux destins croisés qui ne peuvent pas se rencontrer sont pourtant liés à jamais. 
Il est question de hasard, de destin, de décisions, de démons que l'on cherche à fuir ou qui ne nous quitteront pas.
C'est un très joli livre qui nous fait voyager dans le temps et dans l'espace mais qui esquisse aussi deux beaux portraits de jeunes femmes pas si lisses que ça.
Décidément, Gaëlle Josse est une orfèvre des mots; elle maîtrise l'art de la concision et cisèle chacune de ses phrases avec brio, nous emportant ainsi dans le tourbillon des passions de ses personnages sans grandiloquence.
Un beau bijou !