"Il faut cultiver notre jardin"

samedi 29 novembre 2014

Bizarre

Permission de Céline Curiol est un roman étrange. Non pas tant par le contenu (une dystopie sur la place de la littérature) que par la forme.
Un homme a été embauché par L'Institution (sorte d'Onu), organisation internationale qui a pour but de préserver la paix sur la terre. Sa fonction consiste en la retranscription concise et précise des discours tenus par les délégués (point de place à la fantaisie !). Notre "résumain", parfaitement satisfaisait de son sort (il vit dans l'immeuble où il travaille, y trouve sur place cafétaria, bar, salles de détente) est convaincu de sa mission et fait le nécessaire pour s'en acquitter le plus parfaitement possible, appliquant à la lettre les consignes et le règlement. Jusqu'au jour où un voisin lui fait découvrir la littérature et lui fait comprendre qu'une autre langue, qu'un autre moyen d'expression existe que celui qui est prôné à l'intérieur des murs de l'Institution. Tout dérape, une faille s'ouvre en lui et il ne peut que changer, qu'évoluer malgré ses réticences. Mais à quel prix ?
Et c'est glaçant ! C'est glaçant de plonger au coeur d'une Institution opaque, de ne pas bien en comprendre tous les rouages, de sentir la surveillance permanente des autres (collègues, gardiens, personnel). Car le récit est assumé par le "résumain" dont on lit le Journal. Et c'est là peut-être que la bât blesse. Comment un homme rompu aux techniques d'écritures fades, objectives pourrait-il nous tenir en haleine pendant 250 pages ? L'auteur s'est enfermée dans un cadre contraignant, un carcan afin de nous faire ressentir de l'intérieur ce qui se joue dans son personnage. Et puis on aurait souhaité qu'elle développe davantage sur le pouvoir de la littérature et la force de celle-ci qui développe l'imagination, le culte de la langue, du mot, du beau. 
Un peu déçue.

vendredi 28 novembre 2014

Le complexe d'Eden Bellwether

Ambiance oxfordienne, campus anglais fréquenté par des étudiants aisés, telle est l'ambiance dans laquelle Benjamin Wood installe son premier roman. 
Oscar Lowe est un aide-soignant dans une maison de retraite. Un soir, au détour d'une allée du campus, il se laisse guider voire happer par la musique qui s'échappe d'un orgue. Dans la chapelle, à l'écoute des chants et de l'instrument, il éprouve un sentiment d'extase qui le laisse étonné. A la sortie, il fait connaissance avec Iris, la soeur du jeune prodige qui a fait vibrer l'orgue dans l'édifice religieux. Ils échangent quelques mots et il se retrouve bien vite invité par cette belle et séduisante jeune fille.
Bientôt intégré au groupe qu'elle forme avec son frère et des amis de longue date, Oscar découvre l'amour (et ses tourments) mais aussi l'amitié et un milieu bourgeois où orgueil, suffisance et ambition cohabitent. Mais surtout, il découvre le virtuose et fantasque Eden Bellwether, passionné par la musique baroque et intimement convaincu de sa puissance hypnotique à tel point qu'il pense pouvoir la mettre au service de la médecine. C'est cette conviction profonde qui fait d'Eden un personnage dérangeant : il est le chef du groupe, une sorte de gourou sous la coupe duquel les autres acceptent de se livrer à des activités de plus en plus limites (hypnose et violence sur la personne d'Oscar pour mieux le soigner par la suite; traitement par hypnose d'une tumeur au cerveau...). Cette personnalité narcissique semble, au fil des pages, de plus en plus incontrôlable et dangereuse, désireuse de tester son pouvoir auto-déclarer quitte à en éprouver les limites et à  entraîner les autres dans sa chute.
De plus en plus perturbé par ce qui se trame dans la chapelle des Bellwether, Oscar en appelle à Herbert Crest, spécialiste incontesté des troubles de la personnalité. Un duel entre le spécialiste atteint d'une maladie incurable et qui le laisse exsangue et le virtuose narcissique va alors se jouer à la vie à la mort.
Un bon premier roman, où la tension est forte (et malheureusement instaurée des les premières pages dans  un prélude qui laisse inutilement présager le pire) et ne cesse de croître…
Une narration rondement menée ! 

mardi 25 novembre 2014

Edgar Morin

"Il n'y a pas de réponse intelligente à la question "qu'est ce que l'intelligence"."

dimanche 23 novembre 2014

Fabio Geda

J'avais beaucoup aimé La séquence exacte des gestes, j'ai donc sauté sur Le dernier été du siècle
Ce roman raconte l'histoire d'une famille, les non-dits, l'incompréhension qui peut naître entre deux êtres. Il raconte surtout la rencontre d'un petit-fils et d'un grand-père. Zeno dont le père est gravement malade se retrouve catapulté chez Simone, grand-père dont il ignorait l'existence ! Il va falloir s'apprivoiser.... Déjà la situation n'est pas facile pour Zeno qui rêverait d'être au chevet de son père pour le soutenir mais en plus il faut s'adapter aux manies du vieux monsieur, à ses silences, à sa solitude. Il y aura des hauts et des bas mais chacun y trouvera son compte.
L'auteur alterne les chapitres : retours sur l'histoire de Simone hanté par ses fantômes (son père, son frère, la traque des juifs pendant la guerre..) et récit assumé par Zeno (plus lumineux, à l'écoute des sons et des couleurs et de chaque moment vécu). Il fait vivre sous nos yeux un petit village du Piémont où la chaleur estivale est écrasante, où forcément on trouve sur le banc de la place trois papys, un lac où se baigner et des copains avec qui passer ses journées .....Des personnages attachants par leur gentillesse, leur fragilité et l'intelligence avec laquelle ils s'apportent l'un l'autre sans aucune démonstration ce dont ils ont besoin : une raison d'exister pour l'un et un moyen de comprendre d'où l'on vient pour l'autre.
Pas mal du tout.

samedi 1 novembre 2014

Le Royaume

On en entend parler depuis septembre, j'ai donc attendu les vacances pour attaquer cette somme.
ET ? Certes, l'écriture est belle, certes le travail de recherches colossal, certes l'engagement de l'auteur total. Mais quoi ? Mais, .... je ne sais pas, il y a un mais. 
J'ai appris plein de choses sur la vie de Paul, son enseignement mais aussi sur Luc qui ne connut pas Le Christ et qui broda ensuite à partir des récits recueillis. Les lettres de Paul et l'évangile de Luc deviennent de précieux documents sur la vie des premières communautés chrétiennes et sur la vie quotidienne autour de la Méditerranée que Paul et Luc ont parcourue sans cesse dans le milieu du premier siècle pour aller dispenser leur enseignement.
 Mais je pense que l'ouvrage aurait gagné à être densifié : il y a des longueurs, des digressions, des passages où on tourne en rond. Etait-il nécessaire de s'apesantir autant sur la crise de foi traversée par l'auteur (oui je sais, on va me dire que c'est pour valider sa posture) ?  Il se revendique enquêteur et auteur, il se représente surtout en train d'écrire. 
Carrère se fait plaisir c'est clair : qu'il n'oublie pas, néanmoins, le plaisir de son lecteur.
Déception et frustration.