"Il faut cultiver notre jardin"

jeudi 31 août 2017

Le tour du monde du roi Zibeline

Partir en voyage et emporter un roman d'aventures : la belle idée !
C'est avec un grand plaisir que je me suis plongée dans le roman de J.C. Rufin. Avec délice, que je me suis retrouvée au XVIIIè siècle, entamant un périple me conduisant de la Hongrie aux Etats Unis en passant par la Sibérie, la Chine, le Japon, Madagascar et la France ! 
A partir de la biographie d'Auguste Benjowski, voyageur célèbre du 18ème siècle, l'auteur bâtit un roman d'aventures dans la plus belle tradition des récits de voyage à la manière des contes des Mille et une nuits. 
Le vieux Benjamin Franklin, sans cesse sollicité par des visiteurs désireux d'exploiter son influence, se retrouve un jour confronté à un couple qui l'intrigue et qui ne ressemble en rien aux habituels solliciteurs qu'il reçoit. Ont, en effet, pénétré dans sa demeure de Philadelphie, Auguste et sa femme Aphanasie. Auréolé de sa contribution à la rédaction de la constitution des jeunes Etats-Unis, Franklin abandonne tambour battant toute autre occupation pour se laisser conter le périple de ce couple dont le parcours est pour le moins extraordinaire. Commence alors un récit à voix alternées où homme et femme, mari et épouse prennent tout à tour la parole pour raconter les événements de leur point de vue. Véritable odyssée du XVIIIè.
Lecture jubilatoire pour le lecteur qui tremble pour les protagonistes (qui, dans leur périple, affrontent les éléments déchaînés mais aussi les êtres humains et leurs appétits), qui se délecte de l'enseignement dispensé à Auguste par un admirateur de Voltaire et des philosophes, qui apprécie la leçon de relativisme liée à l'implantation d'une colonie à Madagascar (de beaux échos à Diderot) et des réflexions sur la soif de conquête.
Un bon roman historique, de facture classique pour l'écriture qui aborde les thèmes de l'immigration,  de la soif de conquêtes, du rapport entre individus, peuples et cultures .
A lire !  

mercredi 30 août 2017

Jardins d'art

Un petit tour à Ar Milin à Chateaubourg histoire de procrastiner jusqu'au bout et de mettre à distance la rentrée.








Une édition beaucoup plus restreinte, avec de jolies surprises.

vendredi 18 août 2017

La suite de l'amie prodigieuse

Derniers jours de vacances, je me plonge dans les deux tomes d'Elena Ferrante Le nouveau nom et Celle qui fuit et celle qui reste. J'y plonge et je m'y oublie.


Comme le premier tome c'est tout simplement très prenant, toujours aussi bien écrit. On retrouve les personnages, leurs relations compliquées, leurs envies d'évoluer, d'échapper à leur milieu, de réussir mais aussi des sentiments exacerbés, des mensonges, des trahisons.
Bref, un vrai plaisir !

vendredi 4 août 2017

Immersion en littérature

Les vies de papier de Rabih Alameddine est un livre foisonnant. Véritable ode à la littérature, au langage et à la traduction, il peint aussi la vie quelque peu cabossée de son héroïne. 
Aaliya Saleh, 72 ans, a les cheveux bleus et une passion pour la traduction. Retraitée après avoir exercé dans une librairie, cette septuagénaire s'est créée un monde qui la protège de l'extérieur, du passé, des souvenirs, des autres. Répudiée par son impuissant de mari, isolée dans sa famille, abandonnée par sa grande amie Hannah qui a décidé de cesser de rêver sa vie, Aaliya se réfugie dans son appartement, véritable cocon où s'empilent toutes sortes de romans, dont ceux de ses auteurs préférés, Pessoa, Nabokov ou Kafka. Quand la majeure partie des gens se remet de son réveillon du jour de l'an, Aaliya, elle, a un autre rituel : après avoir allumé deux bougies pour Walter Benjamin, elle choisit avec délectation le titre du roman qu'elle va traduire. Armée de la traduction anglaise et de la française, elle s'attache à rendre en arabe les subtilités du récit. Plaisir solitaire puisqu'elle ne se soucie pas de se faire éditer ni même de se faire lire. Cette tâche lui convient, l'isole et lui permet de s'échapper de Beyrouth en guerre, d'un monde qui lui échappe et de relations familiales difficiles. C'est entre les pages de ces ouvrages qu'elle vit pleinement. Femme forte en apparence, elle révèle, au gré de ses nombreuses digressions, bien des failles : femme seule, sans enfants, elle s'est fabriquée toute seule. Ainsi, c'est en autodidacte qu'elle a découvert Chopin et la musique classique. Décontenancée par les atteintes du temps (son extrême sensiblerie la paralyse), solitaire (les attentions du gardien du musée national de Beyrouth la touchent) voire isolée, elle a du mal à trouver sa place dans la vie normale. Qui plus est dans une Beyrouth en guerre, abîmée et meurtrie par les conflits. Heureusement, les "vies de papier" la portent et l'aident à voir s'écouler le temps, à rester en vie. Voici d'ailleurs ce qu'elle écrit : "Je me suis depuis bien longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l'écrit. La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème.Je me suis adaptée avec docilité, quoique de manière non conventionnelle, au monde visible, afin de pouvoir me retirer sans grands désagréments dans mon monde intérieur de livres. Pour filer cette métamorphose sableuse, si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier- un sablier qui s'écoule grain par grain.
La littérature m'apporte la vie, et la vie me tue." (p. 15)
Un moment particulièrement poignant : celui où Aaliya, après avoir refusé que sa mère, très diminuée, vienne vivre chez elle, se retrouve chez son demi-frère pour comprendre le cri d'horreur que sa génitrice a poussé en la voyant. S'ensuit alors, après une longue attente, un lavage des pieds de l'aïeule effectué avec douceur et délicatesse. Un moment suspendu où la fille prend soin de sa mère et renoue un contact fort. Un autre plus léger mais porteur d'optimisme : celui où, aidée de ses voisines Aaliya se retrouve à faire sécher toutes les pages volantes de ses manuscrits qui ont pris l'eau. Beau moment de solidarité entre femmes.
Un très beau livre, émouvant et fort.